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Dossier n°1 : La violence | |
La
violence à l'école : violence des ados, ou violence des adultes...
Souvenez-vous, pendant les élections présidentielles : François
Bayrou donne une
gifle à un adolescent à Strasbourg. La portée symbolique
de ce geste est importante me semble-t-il. Bon gré,
mal gré, François Bayrou est un représentant clé du système éducatif
français : il a été prof de lettres et ministre de l'EN, dans ces
conditions il ne peut pas simplement se vanter d'avoir réagit "en
bon père de famille" ; de plus, ce geste s'inscrit dans le discours
sur l'insécurité qui a été le credo des candidats à l'élection présidentielle,
nous en vivons les conséquences... Il existe une nombreuse littérature qui traite de la violence à l'école, nous sommes en train de sélectionner des auteurs et des notes de lecture. toutes les collaborations seront les bienvenues. |
Éric Debarbieux est professeur à l'université de Bordeaux 2 et directeur de l'Observatoire européen de la violence scolaire. Dans le premier opus des trois tomes consacrés à la violence -La violence en milieu scolaire – 1 – État des lieux ( 1996)- , Éric Debarbieux rend compte de l'enquête qu'il a conduite dans le cadre d'interventions dans 86 établissements le plus souvent situés en ZEP ou en zones défavorisées dans le but de dresser un état des lieux du phénomène de violence scolaire en France, il a procédé par questionnaires auprès des adultes et des élèves des établissements, organisé des groupes de paroles et réalisé des entretiens individuels. Son travail consiste à mettre, au point, un instrument d’analyse comparative qui ne permet pas d’étalonner la violence, mais qui permet, à partir du vécu et des éléments rapportés par les élèves et les adultes, de se faire une idée sur l’ambiance et le ressenti de la violence scolaire. Il délimite sa recherche autour de trois questions : Comment mesurer la violence scolaire ? Quels critères ? Quelle prise peut-on avoir sur cet événement ? La violence scolaire est une notion relative, par rapport à ce que l’on vit. Il s’opère aujourd’hui une modification de notre comportement face à la violence : nous supportons mal la violence, surtout la violence éducative. Les résultats font apparaître que la violence rencontrée dans les établissements scolaires est rarement pénalisable (à l'exception du racket) et rarement le fait d'éléments extérieurs aux établissements. Elle se situe davantage du côté de l'incivilité, ce qui ne signifie nullement que l'on doive la tolérer, et révèle une crise interne aux établissements, une perte chez les élèves des repères et des limites, le signe d'une rupture profonde de la civilité scolaire, entre le monde des enseignants et celui de leurs élèves et des parents des classes populaires. Les enseignants ont tendance à qualifier la moindre insulte comme violence. Ainsi, l’appréciation de la violence oscille entre deux pôles : Un pôle d’in-définition (il n’existe pas de savoirs précis sur la violence, c’est relatif) Un pôle formel : le code pénal. Par ailleurs, la dégradation du climat est inégale et apparaît fortement liée aux caractéristiques de la population accueillie. Mais le plus préoccupant est " l'ethnicisation " du problème de la violence à l'École. Pour l'auteur, le refus de la civilité scolaire est dû au sentiment d'inutilité de l'École, à l'incapacité des élèves à lui trouver un sens La paix scolaire est inégalement répartie. « La guerre des boutons » contre la « vraie » violence (la fracture entre exclus et inclus), qui reflète le refus de la société duale et le conflit larvé de l’ethnicité dans une société qui perd ses modèles d’intégration. Constat : les établissements gèrent la violence différemment. Idée qu’une équipe soudée gère beaucoup mieux les problèmes (l’effet-établissement contesté dans le deuxième tome). . Dans les établissements qui s'en sortent le plus mal, les problèmes de violence ne sont pas pris en charge globalement. L'absence de travail en équipe et d'implication forte du chef d'établissement contribuent au sentiment d'impunité chez les élèves qui passent à l'acte, à la perte de confiance dans les capacités de l'école à réguler le désordre quotidien. L'enquête a cependant montré que l'action est possible et qu'il existait un " effet établissement ". Parmi les caractéristiques observées permettant d'améliorer le climat et de faire reculer la violence, l'auteur relève la petite taille de la structure, une vraie politique de prévention basée sur des indicateurs précis, l'affirmation du rôle du chef d'établissement, la mobilisation collective, la formation des enseignants, la cohésion des équipes, le travail en partenariat avec les parents d'élèves et les collectivités. |
Eirick
PRAIRAT a enseigné plusieurs années à l’IUFM de Lorraine où il a
dirigé le Groupe d’Etude des Conditions et Processus d’Apprentissage
et de Socialisation (GECPAS). à propos de la violence à l'école : L’expérience des communautés scolaires de Hambourg a définitivement scellé l’échec des pédagogies de l’abstention. La question n’est donc plus de savoir s’il faut sanctionner mais comment sanctionner. Il faut bannir l’emportement et la colère. L’homme emporté ne punit pas, il se venge. Il faut l’énonciation de ce au nom de quoi on punit. En énonçant les lois, le magister indique une instance qui lui est extérieure et qui vaut pour tous. La punition n’est plus le caprice du prince. Il faut une sanction proportionnée à la faute. C’est une règle élémentaire de justice rétributive. La punition analogique, dérivée de la peine du Talion, a été une forme punitive très prisée dans les petites écoles car elle tend à établir une correspondance symbolique immédiate entre la nature de la faute et celle de la punition. Il faut tendre vers la modération. Quoi qu’il en soit de la réalité effective, on peut dire que la tradition philosophico-pédagogique, dans son ensemble et dans ses intentions, s’est ralliée à la proposition montaniste d’une « sévère douceur » (attitude qui n’excluait pas, le cas échéant, le recours à la manière forte). Quelles
fins poursuit la sanction éducative ? Une fin psychologique. Réconcilier un sujet divisé. Que la sanction soit proportionnelle à la faute, cela s’entend et nul ne le contestera, mais, qu’elle soit le parfait symétrique de celle-ci, cela n’est guère souhaitable. La sanction n’est pas une contre-violence censée annuler une violence première, mais, un coup d’arrêt pour rompre avec la spirale du faire mal/se faire mal. Une fin éthique. C’est aider, à un moment donné, un sujet singulier à advenir. Elle est un moyen de promouvoir l’émergence de la liberté en imputant, à un sujet, les conséquences de ses actes. Celui qui a commis la faute n’aura peut-être pas agi de son plein gré, il aura peut-être été le jouet de l’influence de son entourage ou, simplement, de ses impulsions.. Mais, le fait de lui attribuer la responsabilité de ses actes le mettra, en quelque sorte, en situation de s’interroger progressivement sur ceux-ci et d’en être, de plus en plus, le véritable auteur. Une fin politique. C’est réhabiliter, l’instance de la loi, garante du vivre ensemble. La sanction vise donc à rappeler la primauté de la loi et non la prééminence du maître. Une sanction, qui se prétend éducative, ne peut être utilisée comme une stratégie de réactivation du pouvoir magistral, elle ne peut que réaffirmer la centralité de la loi. Éduquer, c’est tendre à limiter, autant que faire se peut, le recours à la sanction, en faisant, de l’espace éducatif, un espace privilégié pour accéder à l’ordre de la parole et de la raison. Ceci étant, il subsistera toujours des moments de crise et de tension, des situations-limites qu’il faudra bien savoir traiter au mieux des intérêts du groupe et de l’enfant concerné. (voir aussi http://www.chez.com/cpereu/Ressources/FichesLecture/FicheLecture6.htm ) Ouvrages
publiés Eduquer
et punir. Généalogie du discours psychologique. Nancy, Presses
Universitaires de Nancy, 1994 (épuisé). La
sanction, petites méditations à l’usage des éducateurs. Paris,
L’Harmattan, 1997, préface de Ph. Meirieu, 6e éd. décembre
2001. Penser
la sanction, les grands textes. Paris, L’Harmattan, 1999, 2e
éd. février 2000. Ecole
en débat, école en devenir. En coll. avec P.-A. Dupuis. Paris, L’Harmattan
2000, 2e éd. octobre 2001. Sanction
et socialisation. Idées, résultats et problèmes. Paris, PUF 2001, 2e
éd. octobre 2002. A paraître
en décembre 2002
Questions
de discipline.
Editions Erès, collection Trames, 2002. « En
dix années d’enseignement en IUFM, les jeunes professeurs n’ont cessé
de m’interroger sur la manière de conduire la classe, sur l’autorité,
la contrainte, la discipline, les sanctions … Au fil des années, j’ai
eu le sentiment que leurs questions devenaient de plus en plus pressantes. Cet ouvrage n’est pas une réponse aux mille et une questions qui m’ont été adressées mais une suggestion, mieux, une proposition de travail. Et comme la discipline n’est pas seulement affaire de techniques et d’organisation mais aussi de posture et de place, on peut dire de ce petit livre, qu’il s’adresse à tout éducateur soucieux de réfléchir sur le sens du travail éducatif .» E.P.
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Des
outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires Jean-Michel Zakhartchouk Comprendre et aider les élèves en échecEmmanuelle Yanni, ESF éditeur, 2001. Recension parue dans le N° 405 L¹auteur, psychologue clinicienne, écrit ici
un livre de psychopédagogie, à lire comme tel et non comme un «
manuel » qui expliquerait comment transformer les pratiques des
enseignants démunis devant l¹échec scolaire. Les concepts utilisés
sont souvent ceux de la psychanalyse, il faut le temps de se les
approprierŠ Ce cadre posé, la lecture du livre n¹en est pas moins
enrichissante pour les enseignants, dans la lignée des travaux de Serge
Boimare, Francis Imbert ou Mireille Cifali. Il s¹agit toujours de nous
laisser interroger par l¹échec de certains élèves pour prendre
conscience que l¹apprendre se joue dans un espace conflictuel, entre la
résistance à ce qui ne vient pas de nous et le désir d¹exister parmi
les autres. Que ce conflit prenne, pour certains, des formes aiguës ne
signifie pas pour autant, dit l¹auteur, qu¹il faille en renvoyer la résolution
à d¹autres espaces ; c¹est dans le champ scolaire, dans les modes d¹échange
pédagogiques qu¹un autre rapport à l¹apprentissage pourra surgir.
Favoriser la position de recherche, aider l¹élève à prendre
conscience de ses représentations, pratiquer des démarches métacognitives,
autant de points de repère que peut utiliser l¹enseignant pour
proposer à l¹élève un « entre-deux », un espace qui l¹aide à
passer de l¹enfermement dans le vécu subjectif à la réalité partagée. Florence Castincaud Gilbert Longhi, Didier Mazoyer, Maryse Vaillant, Marie-Dominique Vergez. - École et société, Syros Recension parue dans le N° 397 Dans le même temps où Éric Debarbieux,
directeur de l’Observatoire européen de la violence, met en place des
conférences internationales sur "la violence à l’école et
politique publique" des praticiens agissent. Comment faire devant la
violence scolaire ? Ce livre est écrit à quatre voix : un commissaire,
un juge des enfants, une clinicienne psychologue à la PJJ, et un
proviseur. L’interpénétration de ces diverses institutions dans le
domaine scolaire est-elle souhaitable ? Qui y gagne ? l’individu ? la
société ? les valeurs ? Roxane Caty-Leslé Le droit dans l’écoleBernard Defrance, Castel/Labor, 2000 Recension parue dans le N° 397 Le sous-titre de ce petit livre, « les
principes du droit, appliqués à l’institution scolaire » énonce
exactement l’objectif de l’auteur. Il s’agit de montrer que cette
application peut constituer un levier pour une véritable transformation
du système scolaire. Albert Moyne Élèves à problèmes,
écoles à solutions ? Dans
cette période d'interrogation sur les innovations et les réformes, il
faut lire ce livre qui pose ces questions après avoir cherché, et
trouvé, des établissements qui offrent des solutions aux élèves en
échec scolaire. À la question du titre Élèves à problèmes, écoles
à solutions ? L'auteur, Cécile Delannoy (qui a été longtemps rédactrice
en chef des Cahiers), répond oui et sa réponse est détaillée,
argumentée. Elle s'est déplacée, a visité des établissements qui
aident les élèves en difficulté. Elle a observé et interrogé tant
le fonctionnement que ses effets avant de conclure en affirmant que ces
écoles différentes sont un véritable recours pour les élèves en
difficulté. Françoise Carraud Pourquoi vos enfants
s'ennuient en classe ? En général, les enseignants sont dans les classes et les principaux dans les collèges, au contact des enfants de dix-huit à quarante heures par semaine. Les chercheurs en éducation y viennent enquêter un certain nombre d'heures, et écrivent des livres sur l'école : diagnostic, remèdes, etc. On entend peu, en fait, la voix des vrais praticiens : bien trop épuisés, bien trop mal à l'aise, pour oser écrire sur ce qu'ils vivent. D'ailleurs qui les publierait ? Une fois n'est pas coutume, Marie-Danielle Pierrelée écrit sur l'école et sait vraiment de quoi elle parle. Les petits collèges ruraux, les ZEP, les banlieues parisiennes difficiles, elle en parle de l'intérieur, elle les a connus comme prof, puis comme chef d'établissement (sept ans en Seine Saint Denis, lycée professionnel du bâtiment puis collège), et après deux ans de " semi-marginalité " à Amiens, qui lui ont permis de prendre du recul, là revoilà principale en banlieue du Mans. Au passage, elle a créé à Saint-Denis une structure de scolarisation originale pour jeunes marginalisés, absentéistes, déscolarisés, délinquants, structure baptisée " Auto-école ", qui a survécu à son départ, et qui sert de modèle sans qu'on le dise toujours (les lecteurs habitués des Cahiers le savent bien, mais d'autres peuvent l'ignorer) Marie-Danielle Pierrelée écrit sur l'école, et s'il faudrait être de bien mauvaise foi pour lui contester la description et l'analyse qu'elle dresse de la réalité actuelle, il n'est pas certain pour autant que les pistes de solution qu'elle propose soient acceptées aussi facilement, même par ses amis. Pour une raison simple : elle ne parle pas idéologie, elle ne se positionne pas en référence aux débats médiatiques en cours, (pour ou contre la réforme façon Allègre, etc.) et ne semble même pas se poser la question de savoir si ce qu'elle dit peut ou non être récupéré par un des camps en présence : ce qui l'intéresse ce sont les enfants en souffrance, tellement visibles dans la société d'aujourd'hui lorsqu'ils se donnent à voir par leur violence, et encore faudrait-il prendre en compte l'ennui et les souffrances de ceux qui " s'écrasent " en silence ; elle prend en compte les souffrances des enfants, mais aussi celles des enseignants, non les idées toutes faites. Le collège unique, la classe hétérogène, le refus des redoublements, le refus des filières ghettos Ce sont des combats qu'elle a menés, et lorsqu'elle interroge aujourd'hui leur pertinence, c'est toujours au nom du même objectif (donner leur chance à tous les enfants) mais à la lumière crue de la réalité têtue qu'elle regarde et analyse lucidement. Le livre se compose de trois parties : d'abord une galerie de portraits d'enfants, ou plus exactement une série de parcours d'élèves de collège, bons élèves, cancres, élèves "ordinaires" : dans les meilleurs cas, le collège a déçu leur attente, ruiné leur ambition ; dans les pires, il les a confinés dans l'échec, la marginalité, la délinquance. Il s'agit d'enfants réels, et non de cas inventés, qui dressent la toile de fond sur laquelle il convient de lire et de relire ce livre. (Surtout si, enseignant au lycée Henri IV ou à Janson de Sailly, on n'a jamais rencontré certains des cas évoqués ici. Ou si, n'importe où ailleurs, on s'est organisé pour ne pas les voir.) M.-D. Pierrelée n'affirme pas que tous les enfants sont malheureux au collège : elle dit qu'ils sont nombreux, et qu'en tout cas le collège n'est pas conçu pour développer le maximum de compétences chez le maximum d'enfants. Le collège unique, pour tous, ne réussit qu'à certains enfants, peut-être même à une minorité d'enfants. La seconde partie (en forme d'interview) achemine le lecteur d'une analyse critique de l'existant à la proposition d'un autre collège, réellement différent, puisqu'il fait disparaître la structure-classe, pivot actuel de l'organisation pédagogique. C'est la partie la plus richement, la plus logiquement argumentée (sur laquelle nous allons revenir) ; mais en l'absence de la troisième partie, le projet pourrait être perçu comme purement utopique. La troisième partie soutient la même proposition, non plus à partir d'une argumentation logique, mais à partir d'un repérage des traces qui en manifestent la faisabilité : expériences dans l'histoire, organisations différentes à l'étranger, expériences déjà vécues en France, simulation d'emplois du temps dans le collège tel que le voit l'auteur : autrement dit, Marie-Danielle tente de contourner les résistances de ses lecteurs sceptiques, sachant bien qu'une argumentation même rigoureuse emporte rarement l'adhésion à elle seule, en montrant qu'il est possible de faire autrement, puisqu'ailleurs on fait autrement sans que ce soit la catastrophe (Pays-Bas et Suède sont particulièrement pointés comme modèles, d'autant que leurs élèves obtiennent de bons résultats à des tests internationaux comparatifs). Venons-en donc aux propositions de la deuxième partie. M.-D. Pierrelée souhaite qu'on expérimente, à hauteur d'environ 10 % des établissements et sur la base du volontariat des enseignants, un fonctionnement qui substitue, à un emploi du temps structuré par vingt-cinq à trente heures de cours, trois types de "temps" différents dans la semaine, c'est-à-dire aussi trois types de groupes et trois types d'activités pédagogiques. Un premier groupe comporte dix à douze enfants maximum, d'âge et de niveau variables, avec son enseignant-tuteur. Le tuteur accueille les enfants, établit le contact avec les familles de ces enfants, et encadre leur travail personnel, (qui représente une activité importante, six à dix heures par semaine, dans une petite salle équipée de deux ordinateurs) : il accompagne les enfants tout au long de leur scolarité, connaît leurs problèmes personnels, intervient en cas de conflit. Le groupe de tutorat permet aux enfants de se construire, de forger leur autonomie, mais aussi les incite à s'entraider. Un second groupe se constitue autour d'un projet. Il est hétérogène par l'âge, les niveaux, les compétences, mais fédéré par le désir de mener à bien une réalisation qui se déroule sur l'année. En début d'année, des enseignants proposent les projets, énumèrent les postes de travail, et les enfants postulent en argumentant sur leurs motivations et leurs compétences. Des exemples ? Un spectacle de théâtre, qui demandera des acteurs, des costumiers, des décorateurs, des techniciens son et lumière, des artisans La réalisation d'une maquette de ville médiévale, qui aura besoin d'archivistes et d'architectes, de menuisiers, de décorateurs, de calculateurs Un élevage, un voyage, une exposition florale C'est la junior entreprise version collège, qui travaille six heures par semaine. C'est aussi le lieu de la formation à la responsabilité, à la citoyenneté, à la coopération. Et puis bien sûr, les groupes d'apprentissage (que le livre présente en second, non en dernier lieu comme nous le faisons ici). Les groupes au pluriel, car il s'agit de groupes de niveaux-matières : un élève peut appartenir à des groupes différents en anglais, en maths, en sciences, en histoire, en français, en éducation physique. En gros deux heures par discipline et quinze heures de cours au total. Deux heures, c'est peu ? Il faut prendre en compte le gain d'efficacité qui naît de l'homogénéité relative, de la motivation dans une école qui varie les activités, et la part importante de travail encadré dans le groupe de tutorat, voire de travail personnel autonome pour les plus forts. Quinze heures, plus six à dix heures de travail personnel Tous les enseignants enseignent dans ces groupes d'apprentissage, mais un certain nombre de volontaires ont une part de leur emploi du temps consacré soit au tutorat, soit à la gestion d'un projet. Bien entendu, si ces propositions retiennent l'attention, elles ne manqueront pas de soulever des objections. J'en examinerai trois ou quatre : - Parier qu'on peut enseigner en quinze heures ce qu'on enseigne aujourd'hui en vingt-cinq ou trente, parce que les groupes seront plus homogènes et les élèves plus motivés, ne convaincra pas tout le monde ! Certes, ceux qui enseignent dans certaines ZEP sont les premiers à affirmer qu'ils s'estiment heureux lorsqu'ils ont bénéficié de dix minutes d'attention véritable sur une heure de cours ; ceux-là savent donc l'importance des "gains de productivité" que l'école pourrait faire. Mais comment être sûr que les élèves mettront mieux à profit leurs quinze heures de cours que les vingt-cinq d'aujourd'hui ? Ne peut-on craindre que de nombreux élèves investissent bien dans le projet qu'ils auront choisi mais continuent à boycotter anglais ou géographie, tout en se disant que le tuteur réexpliquera si nécessaire ? Bien sûr, le pari peut réussir, mais sa réussite repose-t-elle sur les élèves ou sur les enseignants ? Autrement dit : suffira-t-il que les élèves se sentent mieux reconnus dans leur personne et dans leurs besoins de réalisations concrètes pour consentir l'effort d'apprendre intensément quinze heures par semaine ? Ou faudra-t-il également que les enseignants changent de méthode ? M.-D. Pierrelée fait confiance aux enseignants : il s'en trouvera 10 % pour croire assez au projet et le faire réussir. Soit. Mais l'atout de cette organisation, est-ce son efficience structurelle, ou la qualité des enseignants qu'elle est supposée attirer ? - L'éclatement de l'unité classe n'est pas un mince problème Quel sera le groupe d'ancrage du collégien ? Pour le dire simplement, où se fera-t-il les copains qu'il retrouvera dans la cour de récréation ? Un préado peut-il se passer, dans un lieu donné, d'un groupe d'ancrage fort ? Peut-il en avoir plusieurs sans se sentir écartelé, morcelé ? Il est vrai que la classe actuelle, lorsqu'elle réunit racketteurs et rackettés, leaders négatifs et boucs émissaires, ne constitue pas toujours un groupe d'appartenance satisfaisant, et M.-D. Pierrelée a beau jeu de rappeler que la structure classe par niveau d'âge est d'apparition récente dans l'histoire même de l'école. Il n'empêche Dans l'organisation proposée, aucun groupe n'est constitué en fonction de l'âge des élèves, le choix ici est drastique. Et vraiment novateur. - L'importance accordée au travail personnel dans le petit groupe de tutorat, la place accordée à l'informatique (aux TICE), et le fait que le groupe d'apprentissage a une faible durée de vie, renvoient nettement l'apprentissage à une dimension individuelle. C'est ici l'individu élève qui apprend, ce n'est pas le groupe en tant que tel. On aurait pu imaginer que les six heures de projet ayant l'avantage de souder le groupe, de lui donner cohésion et solidarité, l'apprentissage au sein du même groupe (hétérogène) aurait tiré profit de cette dynamique. Ce n'est pas le choix de M.-D. Pierrelée, ce n'est d'ailleurs pas le choix actuel de l'école, mais il vaudrait sans doute la peine d'y réfléchir : qui apprend mieux porté par un groupe, qui apprend mieux tout seul ? Apprendre, c'est construire le savoir dans son corps et sa tête, mais c'est aussi entrer dans un groupe d'appartenance, le groupe de ceux qui savent, et se conformer à une norme de groupe. - Enfin on peut considérer comme paradoxal de partir d'une critique du collège actuel (vos enfants " s'ennuient au collège ", selon le titre de l'éditeur) pour déboucher sur une réforme qui lui donne encore plus d'importance dans la vie de l'enfant, puisqu'il s'agit d'en faire un lieu de vie, un lieu d'apprentissage, et un lieu d'exercice de compétences actuellement laissées en friche. Pourquoi ne pas proposer plutôt l'ouverture d'autres lieux de référence, distincts de l'école, entre lesquels l'adolescent apprendrait à circuler ? Des clubs et des animateurs pour les projets, des éducateurs tuteurs pour le dialogue et l'encadrement, et des enseignants recentrés sur des tâches d'apprentissage ? Pour préserver l'emploi enseignant ? (C'est certainement réaliste !) Pour conserver à l'école son caractère éducatif global, éviter l'éparpillement des lieux de vie ? En tout cas, si, pour M.-D. Pierrelée, la structure classe est au xxie siècle une institution dépassée, le collège semble y avoir encore sa place. Si un débat est nécessaire, il est à nos yeux tout aussi évident qu'il est urgent de responsabiliser des équipes enseignantes pour expérimenter des structures nouvelles. Les objectifs que M.-D. Pierrelée fixe à ce collège d'un type nouveau méritent d'être rappelés en conclusion, tant ils sont clairs et peu contestables : 1. Que tous les enfants y trouvent leur compte Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. 2. Que les compétences développées ne se limitent pas aux compétences linguistiques et logico-mathématiques. Les enfants ont d'autres compétences (techniques, organisationnelles, artistiques, relationnelles) dont la société a par ailleurs le plus grand besoin. 3. Que les objectifs de connaissances et de compétences visés soient réellement atteints. Ce dernier point mérite une ultime précision. À ceux qui ne manqueront pas de crier à la baisse de niveau, M.-D. Pierrelée répond qu'elle souhaite l'institution d'épreuves standardisées pour comparer le niveau des enfants dans le secteur expérimental et dans le secteur traditionnel. Qu'on cesse d'imposer la conformité des moyens, pour se concentrer sur la conformité des résultats. Actuellement, moyennant de respecter les mêmes programmes et le même horaire partout, on a le droit de laisser partir du collège des élèves illettrés et ignorants. Marie Danielle Pierrelée demande la liberté de la gestion des moyens et propose d'être jugée sur les résultats. Chiche ! Cécile Delannoy Banlieues : les défis d'un
collège citoyen Lorsqu'on pose la question du transfert des connaissances dans le domaine éducatif – comment e"pliquer notamment que les thèses et les rapports de recherche soient peu lus par les enseignants dits de terrain – on conclut en général que les écrits de type universitaires sont désincarnés, ce qui e"plique leur faible pouvoir attractif. Les marques d'énonciation sont absentes : le " nous " d'e"tériorité se substitue au " je ". Les données relatives au conte"te de la recherche (dans quelles circonstances l'idée est-elle venue au chercheur de travailler sur le domaine qu'il a choisi, comment sa problématique s'ancre-t-elle dans sa propre histoire) sont fréquemment absentes ou reléguées à un détour de l'introduction. Les conditions du recueil de données sont rejetées en anne"e. Les difficultés vécues par le chercheur, les arcanes de sa démarche, les chausse-trappes dans lesquelles il est tombé, sont rarement présentes, tant le souci de déconte"tualisation l'emporte. Faisons l'hypothèse parce qu'il est l'antidote de la description précédente, que les enseignants de collège auront grand plaisir à découvrir l'ouvrage de Jacques Pain, Marie-Pierre Grandin-Degois et Claude Le Goff. Il y est question d'un collège dans une banlieue des Yvelines qui, il n'y a guère plus de di" ans figurait au " hit-parade " des établissements sensibles. Il y est question d'un chef d'établissement, d'une équipe d'enseignants, qui jour après jour en firent un établissement " ordinaire " au bout de quelques années. Il y est question d'un triptyque autour duquel se mobilisa l'équipe pédagogique : lutter contre la violence, différencier la pédagogie dans l'esprit de la pédagogie institutionnelle, se donner le défi de la citoyenneté. Mais plus encore, il est fait état de tout cela à travers des témoignages, des études de cas, la charte du collège, les contrats passés avec les élèves, des impressions d'ensemble, des poèmes d'enseignants, les récits d'un journal de bord, la présentation du conte"te dans lequel l'établissement est implanté, et quelques moments de théorisation complètement immergés dans l'ensemble. Un moment de vie dans un collège non ordinaire mais qui le devint, ordinaire, par le désir d'enseignants ordinaires, d'une principale de collège ordinaire, accompagnés dans leur itinéraire par un universitaire ordinaire. Ordinaire : conforme à l'usage, normal, attendu, banal. Un enseignant ordinaire : un enseignant conforme dans ses engagements, dans son positionnement vis-à-vis de la chose éducative, dans ses pratiques, au" manières de penser et d'agir de tous ses pairs. Une principale de collège ordinaire : une femme dont la manière de diriger est somme toute banale, en tous points semblable au" modes d'action de ses collègues. Un universitaire en sciences de l'éducation ordinaire : un homme ou une femme au comportement analogue dans ses relations et dans son activité avec le terrain, à celui de ses confrères. Ordinaire. De ordini : qui vise le bon arrangement des choses. Michel Develay
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http://www.inrp.fr/zep/partheme/biblio/vie.htm http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr/grands-dossiers/violence/dispositif/ |