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Dossiers

Dossier n°1 : La violence
La violence à l'école : violence des ados, ou violence des adultes... 

Souvenez-vous, pendant les élections présidentielles : François Bayrou donne une gifle à un adolescent  à Strasbourg.  La portée symbolique de ce geste est importante me semble-t-il. Bon gré, mal gré, François Bayrou est un représentant clé du système éducatif français : il a été prof de lettres et ministre de l'EN, dans ces conditions il ne peut pas simplement se vanter d'avoir réagit "en bon père de famille" ; de plus, ce geste s'inscrit dans le discours sur l'insécurité qui a été le credo des candidats à l'élection présidentielle, nous en vivons les conséquences...

Un grand pédagogue (pas Bayrou, un autre!...) a eu un jour à gérer une situation difficile : "Aujourd'hui j'ai donné une gifle à un élève" écrit Makarenko dans un de ses poèmes pédagogiques. Vous connaissez l'histoire de la gifle à Zadorov. Je reviendrai simplement sur ce que répond Makarenko quand on lui demande s'il pense que cette méthode a porté ses fruits : "Je ne l'ai naturellement jamais pensé. C'était là un geste de désespoir et d'impuissance dans toute la force du terme."

Est-ce uniquement cela ? La gifle est un symbole : elle montre qu'il y a ou une certaine relation de domination, entre l'adulte et l'ado en général et dans une situation pédagogique un rapport hiérarchique entre le maître et l'élève. Autour du droit à gifler c'est une relation d'autorité et de respect qui se joue. 

Il existe une nombreuse littérature qui traite de la violence à l'école, nous sommes en train de sélectionner des auteurs et des notes de lecture. toutes les collaborations seront les bienvenues.

Éric Debarbieux est professeur à l'université de Bordeaux 2 et directeur de l'Observatoire européen de la violence scolaire. 

Dans le premier opus des trois tomes consacrés à la violence -La violence en milieu scolaire – 1 – État des lieux ( 1996)- , Éric Debarbieux rend compte de l'enquête qu'il a conduite dans le cadre d'interventions dans 86 établissements le plus souvent situés en ZEP ou en zones défavorisées dans le but de dresser un état des lieux du phénomène de violence scolaire en France, il a procédé par questionnaires auprès des adultes et des élèves des établissements, organisé des groupes de paroles et réalisé des entretiens individuels. Son travail consiste à mettre, au point, un instrument d’analyse comparative qui ne permet pas d’étalonner la violence, mais qui permet, à partir du vécu et des éléments rapportés par les élèves et les adultes, de se faire une idée sur l’ambiance et le ressenti de la violence scolaire.

Il délimite sa recherche autour de trois questions : Comment mesurer la violence scolaire ? Quels critères ? Quelle prise peut-on avoir sur cet événement ?

La violence scolaire est une notion relative, par rapport à ce que l’on vit. Il s’opère aujourd’hui  une modification de notre comportement face à la violence : nous supportons mal la violence, surtout la violence éducative. Les résultats font apparaître que la violence rencontrée dans les établissements scolaires est rarement pénalisable (à l'exception du racket) et rarement le fait d'éléments extérieurs aux établissements. Elle se situe davantage du côté de l'incivilité, ce qui ne signifie nullement que l'on doive la tolérer, et révèle une crise interne aux établissements, une perte chez les élèves des repères et des limites, le signe d'une rupture profonde de la civilité scolaire, entre le monde des enseignants et celui de leurs élèves et des parents des classes populaires. Les enseignants ont tendance à qualifier la moindre insulte comme violence. Ainsi, l’appréciation de la violence oscille entre deux pôles : Un pôle d’in-définition (il n’existe  pas de savoirs précis sur la violence, c’est relatif) Un pôle formel : le code pénal. Par ailleurs, la dégradation du climat est inégale et apparaît fortement liée aux caractéristiques de la population accueillie. Mais le plus préoccupant est " l'ethnicisation " du problème de la violence à l'École. Pour l'auteur, le refus de la civilité scolaire est dû au sentiment d'inutilité de l'École, à l'incapacité des élèves à lui trouver un sens 

La paix scolaire est inégalement répartie. « La guerre des boutons » contre la « vraie » violence (la fracture entre exclus et inclus), qui reflète le refus de la société duale et le conflit larvé de l’ethnicité dans une société qui perd ses modèles d’intégration. Constat : les établissements gèrent la violence différemment. Idée qu’une équipe soudée gère beaucoup mieux les problèmes (l’effet-établissement contesté dans le deuxième tome). .

Dans les établissements qui s'en sortent le plus mal, les problèmes de violence ne sont pas pris en charge globalement. L'absence de travail en équipe et d'implication forte du chef d'établissement contribuent au sentiment d'impunité chez les élèves qui passent à l'acte, à la perte de confiance dans les capacités de l'école à réguler le désordre quotidien. L'enquête a cependant montré que l'action est possible et qu'il existait un " effet établissement ". Parmi les caractéristiques observées permettant d'améliorer le climat et de faire reculer la violence, l'auteur relève la petite taille de la structure, une vraie politique de prévention basée sur des indicateurs précis, l'affirmation du rôle du chef d'établissement, la mobilisation collective, la formation des enseignants, la cohésion des équipes, le travail en partenariat avec les parents d'élèves et les collectivités.

Eirick PRAIRAT a enseigné plusieurs années à l’IUFM de Lorraine où il a dirigé le Groupe d’Etude des Conditions et Processus d’Apprentissage et de Socialisation (GECPAS).  Il est aujourd’hui Professeur de sciences de l’éducation à l’Université de Nancy 2.  

à propos de la violence à l'école :

L’expérience des communautés scolaires de Hambourg a définitivement scellé l’échec des pédagogies de l’abstention. La question n’est donc plus de savoir s’il faut sanctionner mais comment sanctionner. Il faut bannir l’emportement et la colère. L’homme emporté ne punit pas, il se venge.

Il faut l’énonciation de ce au nom de quoi on punit. En énonçant les lois, le magister indique une instance qui lui est extérieure et qui vaut pour tous. La punition n’est plus le caprice du prince. Il faut une sanction proportionnée à la faute. C’est une règle élémentaire de justice rétributive. La punition analogique, dérivée de la peine du Talion, a été une forme punitive très prisée dans les petites écoles car elle tend à établir une correspondance symbolique immédiate entre la nature de la faute et celle de la punition. Il faut tendre vers la modération. Quoi qu’il en soit de la réalité effective, on peut dire que la tradition philosophico-pédagogique, dans son ensemble et dans ses intentions, s’est ralliée à la proposition montaniste d’une « sévère douceur » (attitude qui n’excluait pas, le cas échéant, le recours à la manière forte).

Quelles fins poursuit la sanction éducative ?

 Une fin psychologique. Réconcilier un sujet divisé. Que la sanction soit proportionnelle à la faute, cela s’entend et nul ne le contestera, mais, qu’elle soit le parfait symétrique de celle-ci, cela n’est guère souhaitable. La sanction n’est pas une contre-violence censée annuler une violence première, mais, un coup d’arrêt pour rompre avec la spirale du faire mal/se faire mal.

 Une fin éthique. C’est aider, à un moment donné, un sujet singulier à advenir. Elle est un moyen de promouvoir l’émergence de la liberté en imputant, à un sujet, les conséquences de ses actes. Celui qui a commis la faute n’aura peut-être pas agi de son plein gré, il aura peut-être été le jouet de l’influence de son entourage ou, simplement, de ses impulsions.. Mais, le fait de lui attribuer la responsabilité de ses actes le mettra, en quelque sorte, en situation de s’interroger progressivement sur ceux-ci et d’en être, de plus en plus, le véritable auteur.

 Une fin politique. C’est réhabiliter, l’instance de la loi, garante du vivre ensemble. La sanction vise donc à rappeler la primauté de la loi et non la prééminence du maître. Une sanction, qui se prétend éducative, ne peut être utilisée comme une stratégie de réactivation du pouvoir magistral, elle ne peut que réaffirmer la centralité de la loi.

Éduquer, c’est tendre à limiter, autant que faire se peut, le recours à la sanction, en faisant, de l’espace éducatif, un espace privilégié pour accéder à l’ordre de la parole et de la raison. Ceci étant, il subsistera toujours des moments de crise et de tension, des situations-limites qu’il faudra bien savoir traiter au mieux des intérêts du groupe et de l’enfant concerné. 

(voir aussi http://www.chez.com/cpereu/Ressources/FichesLecture/FicheLecture6.htm )

Ouvrages publiés

Eduquer et punir. Généalogie du discours psychologique. Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1994 (épuisé).

La sanction, petites méditations à l’usage des éducateurs. Paris, L’Harmattan, 1997, préface de Ph. Meirieu, 6e éd. décembre 2001.

Penser la sanction, les grands textes. Paris, L’Harmattan, 1999, 2e éd. février 2000.

Ecole en débat, école en devenir. En coll. avec P.-A. Dupuis. Paris, L’Harmattan 2000, 2e éd. octobre 2001.

Sanction et socialisation. Idées, résultats et problèmes. Paris, PUF 2001, 2e éd. octobre 2002.

A paraître en décembre 2002

Questions de discipline. Editions Erès, collection Trames, 2002.

 « En dix années d’enseignement en IUFM, les jeunes professeurs n’ont cessé de m’interroger sur la manière de conduire la classe, sur l’autorité, la contrainte, la discipline, les sanctions … Au fil des années, j’ai eu le sentiment que leurs questions devenaient de plus en plus pressantes.

Cet ouvrage n’est pas une réponse aux mille et une questions qui m’ont été adressées mais une suggestion, mieux, une proposition de travail. Et comme la discipline n’est pas seulement affaire de techniques et d’organisation mais aussi de posture et de place, on peut dire de ce petit livre, qu’il s’adresse  à tout éducateur soucieux de réfléchir sur le sens du travail éducatif .» E.P. 

 

 

Des outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires Jean-François Blin 

Comprendre et aider les élèves en échec. Emmanuelle Yanni

Face aux incivilités scolaires quelles alternatives au tout sécuritaire ? Gilbert Longhi

Le droit dans l’école. Bernard Defrance 

Élèves à problèmes, écoles à solutions ? Cécile Delannoy

Pourquoi vos enfants s'ennuient en classe ? Marie-Danielle Pierrelée

Banlieues : les défis d'un collège citoyen. Jacques Pain

Des outils pour prévenir et gérer les perturbations scolaires
Jean-François Blin et Claire Gallais-Deulofeu, Delagrave, 189 pages, 2001.
Recension parue dans le N° 401

Un ouvrage qui est le fruit d'une riche expérience de formation et qui a le grand mérite de présenter de multiples facettes de la prévention de la violence. J.-F. Blin a enseigné en effet plus de vingt ans en lycée professionnel. Beaucoup de conseils pratiques, qui sont listés en fin de volume (« pour débuter l'année », « face aux bavardages », «face à l'insolence et la provocation »). Des références très diverses, qui vont de Charlot à Salomé, conformément au pragmatisme du praticien qui fait feu de tous bois. Le livre est structuré en quatre grandes parties : les situations de dérégulation scolaire ; prévenir les perturbations dans la classe ; gérer les situations difficiles ; travailler sur soi pour enseigner.
Certes, bien des propositions se trouvent aussi dans d'autres écrits, mais l'ouvrage rassemble une multitude de pistes qui seront utiles au débutant comme à l'enseignant expérimenté. Et on appréciera précisément l'effort qui est fait pour intervenir autant sur le champ de la socialisation que sur celui de l'apprentissage.

Jean-Michel Zakhartchouk

retour "des livres pour nous"

Comprendre et aider les élèves en échec
Emmanuelle Yanni,
ESF éditeur, 2001.

Recension parue dans le N° 405

L¹auteur, psychologue clinicienne, écrit ici un livre de psychopédagogie, à lire comme tel et non comme un « manuel » qui expliquerait comment transformer les pratiques des enseignants démunis devant l¹échec scolaire. Les concepts utilisés sont souvent ceux de la psychanalyse, il faut le temps de se les approprierŠ Ce cadre posé, la lecture du livre n¹en est pas moins enrichissante pour les enseignants, dans la lignée des travaux de Serge Boimare, Francis Imbert ou Mireille Cifali. Il s¹agit toujours de nous laisser interroger par l¹échec de certains élèves pour prendre conscience que l¹apprendre se joue dans un espace conflictuel, entre la résistance à ce qui ne vient pas de nous et le désir d¹exister parmi les autres. Que ce conflit prenne, pour certains, des formes aiguës ne signifie pas pour autant, dit l¹auteur, qu¹il faille en renvoyer la résolution à d¹autres espaces ; c¹est dans le champ scolaire, dans les modes d¹échange pédagogiques qu¹un autre rapport à l¹apprentissage pourra surgir. Favoriser la position de recherche, aider l¹élève à prendre conscience de ses représentations, pratiquer des démarches métacognitives, autant de points de repère que peut utiliser l¹enseignant pour proposer à l¹élève un « entre-deux », un espace qui l¹aide à passer de l¹enfermement dans le vécu subjectif à la réalité partagée.
Finalement, des deux verbes présents dans le titre, c¹est surtout le premier qui est développé et approfondi au long de cet ouvrage. La réflexion proposée nous touche profondément parce qu¹elle nous oblige à penser et à traiter, dans la mesure de nos moyens, la réalité quotidienne du non-apprendre que toutes nos stratégies visent à tenir en lisière de notre perception.

Florence Castincaud

Face aux incivilités scolaires quelles alternatives au tout sécuritaire ?
Gilbert Longhi, Didier Mazoyer, Maryse Vaillant, Marie-Dominique Vergez. - École et société, Syros
Recension parue dans le N° 397

Dans le même temps où Éric Debarbieux, directeur de l’Observatoire européen de la violence, met en place des conférences internationales sur "la violence à l’école et politique publique" des praticiens agissent. Comment faire devant la violence scolaire ? Ce livre est écrit à quatre voix : un commissaire, un juge des enfants, une clinicienne psychologue à la PJJ, et un proviseur. L’interpénétration de ces diverses institutions dans le domaine scolaire est-elle souhaitable ? Qui y gagne ? l’individu ? la société ? les valeurs ?
Mais que fait la police ? s’exclame le commissaire Didier Mazoyer. Peut-on imaginer que son rôle soit éducatif ? Il propose des solutions à l’intérieur de l’école pour maintenir le projet républicain par un rappel à la loi. "Il n’est pas absurde d’envisager la présence d’un permanent dans l’école pour améliorer la prévention et lutter contre l’impunité avec application du droit." La tolérance zéro n’est pas la répression c’est le fait de sanctionner tout écart qui nuit à l’autre, à la vie collective. Sanctionner n’est pas punir, c’est avoir une réaction devant les incivilités ou les violences. Son propos, s’il reste encore choquant dans la culture enseignante, amène à réfléchir. Surtout quand il souligne le partenariat impératif entre les parents et les enseignants autour du jeune, et le lien entre les actions dans l’école et celles en milieu ouvert.
L’intervention de Marie-Dominique Vergez, juge des enfants, est un peu irritante parce que caricaturale, elle décrit ce que l’on ne veut pas voir. Elle trace le portrait d’une Éducation nationale qui a tendance à appeler le judiciaire pour résoudre les problèmes d’incivilité autant que de délit. Alors qu’il devrait appartenir à chaque établissement, parce que c’est un lieu d’éducation, de régler ses conflits internes. Elle s’élève contre ces enseignants qui enseignent sans éduquer, qui ne croient qu’en la punition et particulièrement à l’emprisonnement et qui ne connaissent pas la machine judiciaire. "Ce milieu a le sentiment d’impunité". Elle a un parti pris pour ces jeunes qu’elle rencontre dans son cabinet et parle, avec justesse des sources de leur violence en rappelant au passage celle des adultes dans l’école. La justice des mineurs existe pour protéger l’enfant et non l’institution scolaire. Après avoir réglé ses comptes, elle recense en détail les peines qu’elle applique. Là, son discours devient passionnant parce qu’elle décrit des situations où le souci d’éducation est maître (il faut lire et relire l’épisode du franc symbolique). Elle nous parle d’une justice qui répare et humanise. C’est peut-être vrai que le milieu enseignant ne connaît rien au judiciaire !
Maryse Vaillant qui travaille aussi à la PJJ, tient un propos sociologique. Elle évoque le malaise des institutions qui ont pour tâche essentielle d’insérer les personnes dans un ensemble de codes sociaux, de valeurs et de fournir du sens à la relation à l’autre. La fonction parentale et celle de l’école sont essentiellement de transmettre des valeurs. Cette crise des institutions est un entre-deux, un espoir de changement et une chance. Elle va permettre d’imaginer de nouveaux modes de transmission. Le jeune est un être social qu’il s’agit d’éduquer collectivement.
Elle aussi nous parle de la sanction réparatrice quand elle responsabilise l’adolescent auprès de la communauté. La démarche de réparation repose sur des valeurs de respect de l’autre.
Quant à Gilbert Longhi, après avoir défini son rôle de proviseur dans un lycée qui accueille les rejetés, les "sans bahut." (à Paris), il nous emmène à travers son quotidien de gestionnaire du personnel et de garant du respect de la réglementation. Il analyse la relativité de la perception de la violence et décrit quelques dispositifs mis en place qui amènent des "petites victoires" mais qui n’empêchent pas de rester humble. Les outils scolaires ressortent du laboratoire.
Chacun des représentants de ces institutions s’égratigne l’un l’autre au passage. Chacun garde son point de vue sur la loi, sur l’individu, sur la société, sur l’établissement sur les faits de violence. C’est ce qui fait la richesse de ce livre parceque cela étonne, bouscule, irrite parfois le lecteur. Mais ce qui rapproche les auteurs, c’est leur inventivité enthousiaste et optimiste en matière d’éducation. Une éducation comprise comme transmission des valeurs. La solution passe par l’éducation collective et non l’exclusion, par la collaboration entre les adultes, famille, policiers, juge, enseignants, éducateurs autour de l’être social qu’est l’adolescent. Les auteurs réitèrent la nécessité du rappel à la loi et de la parole laissée au jeune : la violence se manifeste quand la parole est interdite ou tronquée.

Roxane Caty-Leslé

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Le droit dans l’école
Bernard Defrance, Castel/Labor, 2000
Recension parue dans le N° 397

Le sous-titre de ce petit livre, « les principes du droit, appliqués à l’institution scolaire » énonce exactement l’objectif de l’auteur. Il s’agit de montrer que cette application peut constituer un levier pour une véritable transformation du système scolaire.
L’ensemble se situe dans la ligne des œuvres précédentes de l’auteur (Les parents, les profs et l’école notamment, qui vient d’être réédité) et dans l’héritage de la pédagogie institutionnelle. L’élève y est considéré comme un sujet parmi d’autres sujets développant à l’école, avec l’aide des adultes, à la fois son intelligence à la recherche de la vérité et son sens social à l’intérieur de rapports de droit.
L’intérêt du livre est de montrer que la construction de véritables rapports de droit doit s’apprendre et s’instituer progressivement dans cette fraction de la vie enfantine et adolescente où l’élève est encore trop souvent considéré comme « mineur ». Sa personnalité s’y construira de façon plus saine que par des « cours de morale civique » ou des exhortations, voire des sanctions purement disciplinaires dont il ne comprend souvent pas le bien-fondé parce qu’il n’a pas été un des acteurs de leur définition.
Tout ceci est l’œuvre de quelqu’un qui veut construire dans l’élève un être responsable et non un sujet passif en repensant une sorte de nouveau « contrat social » à l’échelle scolaire. Pour B. Defrance, tout ceci est évidemment inséparable d’une transformation de la pédagogie par une autre organisation de la classe et plus largement des établissements scolaires. Ne pas se laisser influencer au premier coup d’œil par une table des matières qui énumère après une « question préalable », douze principes du droit, sept niveaux de normes, cinq propositions. Ces abstractions sont apparentes. Le livre est concret, les exemples abondent, l’auteur reste près du réel qu’il connaît bien pour le fréquenter quotidiennement. Et tout cela est enlevé en 94 pages. Excellent !

Albert Moyne

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Élèves à problèmes, écoles à solutions ?
Cécile Delannoy, ESF éditeur, 1999.

Dans cette période d'interrogation sur les innovations et les réformes, il faut lire ce livre qui pose ces questions après avoir cherché, et trouvé, des établissements qui offrent des solutions aux élèves en échec scolaire. À la question du titre Élèves à problèmes, écoles à solutions ? L'auteur, Cécile Delannoy (qui a été longtemps rédactrice en chef des Cahiers), répond oui et sa réponse est détaillée, argumentée. Elle s'est déplacée, a visité des établissements qui aident les élèves en difficulté. Elle a observé et interrogé tant le fonctionnement que ses effets avant de conclure en affirmant que ces écoles différentes sont un véritable recours pour les élèves en difficulté.
Ces écoles sont à la marge du système éducatif, le plus souvent elles n'appartiennent pas à l'Éducation nationale. Qu'ont-elles en commun ? Les solutions qu'elles proposent sont-elles généralisables ?
Dans la deuxième partie, l'auteur détaille sept points essentiels au fonctionnement de ces écoles différentes : elles sont de petite taille et le directeur connaît personnellement les jeunes et les adultes de son établissement, il les rencontre tous les jours ; ces établissements ont une dimension familiale, les élèves y vivent ensemble autre chose que l'école (mangent, font la cuisine, rangentŠ) ; l'alternance stage/enseignement y est pratiquée, les élèves sont aussi acteurs, producteurs ; une véritable marge de man¦uvre existe, une liberté d'innovation ; les élèves sont accompagnés de manière personnelle, ils se sentent accueillis, la qualité de la relation est essentielle ; il y a un effet de rupture, de changement d'identité et un sentiment d'appartenance à un groupe (esprit maison) qui valorise les élèves ; les adultes s'investissent fortement et collectivement dans leur fonction ce qui donne plus de cohérence et une meilleure pérennité à leur travail.
Ces modes de fonctionnement sont questionnés : s'agit-il de totalitarisme éducatif ? S'occupe-t-on des problèmes scolaires ou des problèmes de comportement ? Faut-il combler des lacunes ou remotiver ? Plus fortement encore : ces établissements font-ils réellement réussir ? Réussite aux examens, insertion professionnelle et sociale, degré de satisfaction et calcul des coûts, tout converge, ça marche !
Alors, que pourrait-on généraliser : la démassification des collèges (au moins dans les quartiers difficiles) ; l'introduction de l'alternance ; l'action sur le recrutement, la formation et l'accompagnement des enseignants ; la capacité à faire évoluer les structures. Mais, n'oublions pas que les solutions de ces écoles sont provisoires et que leur manière d'inventer des solutions est plus importante que les solutions elles-mêmes. À nous de réfléchir, dans toutes nos écoles, à des pistes de solutions possibles en nous interrogeant dans ces deux directions, stratégique et psychologique. C'est urgent.

Françoise Carraud

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Pourquoi vos enfants s'ennuient en classe ?
Marie-Danielle Pierrelée (en collaboration avec Agnès Baumier). Préface de Philippe Meirieu. Éditions Syros, collection École et société, 192 pages, 1999.

En général, les enseignants sont dans les classes et les principaux dans les collèges, au contact des enfants de dix-huit à quarante heures par semaine. Les chercheurs en éducation y viennent enquêter un certain nombre d'heures, et écrivent des livres sur l'école : diagnostic, remèdes, etc. On entend peu, en fait, la voix des vrais praticiens : bien trop épuisés, bien trop mal à l'aise, pour oser écrire sur ce qu'ils vivent. D'ailleurs qui les publierait ?

Une fois n'est pas coutume, Marie-Danielle Pierrelée écrit sur l'école et sait vraiment de quoi elle parle. Les petits collèges ruraux, les ZEP, les banlieues parisiennes difficiles, elle en parle de l'intérieur, elle les a connus comme prof, puis comme chef d'établissement (sept ans en Seine Saint Denis, lycée professionnel du bâtiment puis collège), et après deux ans de " semi-marginalité " à Amiens, qui lui ont permis de prendre du recul, là revoilà principale en banlieue du Mans. Au passage, elle a créé à Saint-Denis une structure de scolarisation originale pour jeunes marginalisés, absentéistes, déscolarisés, délinquants, structure baptisée " Auto-école ", qui a survécu à son départ, et qui sert de modèle sans qu'on le dise toujours (les lecteurs habitués des Cahiers le savent bien, mais d'autres peuvent l'ignorer)

Marie-Danielle Pierrelée écrit sur l'école, et s'il faudrait être de bien mauvaise foi pour lui contester la description et l'analyse qu'elle dresse de la réalité actuelle, il n'est pas certain pour autant que les pistes de solution qu'elle propose soient acceptées aussi facilement, même par ses amis. Pour une raison simple : elle ne parle pas idéologie, elle ne se positionne pas en référence aux débats médiatiques en cours, (pour ou contre la réforme façon Allègre, etc.) et ne semble même pas se poser la question de savoir si ce qu'elle dit peut ou non être récupéré par un des camps en présence : ce qui l'intéresse ce sont les enfants en souffrance, tellement visibles dans la société d'aujourd'hui lorsqu'ils se donnent à voir par leur violence, et encore faudrait-il prendre en compte l'ennui et les souffrances de ceux qui " s'écrasent " en silence ; elle prend en compte les souffrances des enfants, mais aussi celles des enseignants, non les idées toutes faites. Le collège unique, la classe hétérogène, le refus des redoublements, le refus des filières ghettos Ce sont des combats qu'elle a menés, et lorsqu'elle interroge aujourd'hui leur pertinence, c'est toujours au nom du même objectif (donner leur chance à tous les enfants) mais à la lumière crue de la réalité têtue qu'elle regarde et analyse lucidement.

Le livre se compose de trois parties : d'abord une galerie de portraits d'enfants, ou plus exactement une série de parcours d'élèves de collège, bons élèves, cancres, élèves "ordinaires" : dans les meilleurs cas, le collège a déçu leur attente, ruiné leur ambition ; dans les pires, il les a confinés dans l'échec, la marginalité, la délinquance. Il s'agit d'enfants réels, et non de cas inventés, qui dressent la toile de fond sur laquelle il convient de lire et de relire ce livre. (Surtout si, enseignant au lycée Henri IV ou à Janson de Sailly, on n'a jamais rencontré certains des cas évoqués ici. Ou si, n'importe où ailleurs, on s'est organisé pour ne pas les voir.) M.-D. Pierrelée n'affirme pas que tous les enfants sont malheureux au collège : elle dit qu'ils sont nombreux, et qu'en tout cas le collège n'est pas conçu pour développer le maximum de compétences chez le maximum d'enfants. Le collège unique, pour tous, ne réussit qu'à certains enfants, peut-être même à une minorité d'enfants.

La seconde partie (en forme d'interview) achemine le lecteur d'une analyse critique de l'existant à la proposition d'un autre collège, réellement différent, puisqu'il fait disparaître la structure-classe, pivot actuel de l'organisation pédagogique. C'est la partie la plus richement, la plus logiquement argumentée (sur laquelle nous allons revenir) ; mais en l'absence de la troisième partie, le projet pourrait être perçu comme purement utopique.

La troisième partie soutient la même proposition, non plus à partir d'une argumentation logique, mais à partir d'un repérage des traces qui en manifestent la faisabilité : expériences dans l'histoire, organisations différentes à l'étranger, expériences déjà vécues en France, simulation d'emplois du temps dans le collège tel que le voit l'auteur : autrement dit, Marie-Danielle tente de contourner les résistances de ses lecteurs sceptiques, sachant bien qu'une argumentation même rigoureuse emporte rarement l'adhésion à elle seule, en montrant qu'il est possible de faire autrement, puisqu'ailleurs on fait autrement sans que ce soit la catastrophe (Pays-Bas et Suède sont particulièrement pointés comme modèles, d'autant que leurs élèves obtiennent de bons résultats à des tests internationaux comparatifs).

Venons-en donc aux propositions de la deuxième partie. M.-D. Pierrelée souhaite qu'on expérimente, à hauteur d'environ 10 % des établissements et sur la base du volontariat des enseignants, un fonctionnement qui substitue, à un emploi du temps structuré par vingt-cinq à trente heures de cours, trois types de "temps" différents dans la semaine, c'est-à-dire aussi trois types de groupes et trois types d'activités pédagogiques.

Un premier groupe comporte dix à douze enfants maximum, d'âge et de niveau variables, avec son enseignant-tuteur. Le tuteur accueille les enfants, établit le contact avec les familles de ces enfants, et encadre leur travail personnel, (qui représente une activité importante, six à dix heures par semaine, dans une petite salle équipée de deux ordinateurs) : il accompagne les enfants tout au long de leur scolarité, connaît leurs problèmes personnels, intervient en cas de conflit. Le groupe de tutorat permet aux enfants de se construire, de forger leur autonomie, mais aussi les incite à s'entraider.

Un second groupe se constitue autour d'un projet. Il est hétérogène par l'âge, les niveaux, les compétences, mais fédéré par le désir de mener à bien une réalisation qui se déroule sur l'année. En début d'année, des enseignants proposent les projets, énumèrent les postes de travail, et les enfants postulent en argumentant sur leurs motivations et leurs compétences. Des exemples ? Un spectacle de théâtre, qui demandera des acteurs, des costumiers, des décorateurs, des techniciens son et lumière, des artisans La réalisation d'une maquette de ville médiévale, qui aura besoin d'archivistes et d'architectes, de menuisiers, de décorateurs, de calculateurs Un élevage, un voyage, une exposition florale C'est la junior entreprise version collège, qui travaille six heures par semaine. C'est aussi le lieu de la formation à la responsabilité, à la citoyenneté, à la coopération.

Et puis bien sûr, les groupes d'apprentissage (que le livre présente en second, non en dernier lieu comme nous le faisons ici). Les groupes au pluriel, car il s'agit de groupes de niveaux-matières : un élève peut appartenir à des groupes différents en anglais, en maths, en sciences, en histoire, en français, en éducation physique. En gros deux heures par discipline et quinze heures de cours au total. Deux heures, c'est peu ? Il faut prendre en compte le gain d'efficacité qui naît de l'homogénéité relative, de la motivation dans une école qui varie les activités, et la part importante de travail encadré dans le groupe de tutorat, voire de travail personnel autonome pour les plus forts. Quinze heures, plus six à dix heures de travail personnel

Tous les enseignants enseignent dans ces groupes d'apprentissage, mais un certain nombre de volontaires ont une part de leur emploi du temps consacré soit au tutorat, soit à la gestion d'un projet.

Bien entendu, si ces propositions retiennent l'attention, elles ne manqueront pas de soulever des objections. J'en examinerai trois ou quatre :

- Parier qu'on peut enseigner en quinze heures ce qu'on enseigne aujourd'hui en vingt-cinq ou trente, parce que les groupes seront plus homogènes et les élèves plus motivés, ne convaincra pas tout le monde ! Certes, ceux qui enseignent dans certaines ZEP sont les premiers à affirmer qu'ils s'estiment heureux lorsqu'ils ont bénéficié de dix minutes d'attention véritable sur une heure de cours ; ceux-là savent donc l'importance des "gains de productivité" que l'école pourrait faire. Mais comment être sûr que les élèves mettront mieux à profit leurs quinze heures de cours que les vingt-cinq d'aujourd'hui ? Ne peut-on craindre que de nombreux élèves investissent bien dans le projet qu'ils auront choisi mais continuent à boycotter anglais ou géographie, tout en se disant que le tuteur réexpliquera si nécessaire ?

Bien sûr, le pari peut réussir, mais sa réussite repose-t-elle sur les élèves ou sur les enseignants ? Autrement dit : suffira-t-il que les élèves se sentent mieux reconnus dans leur personne et dans leurs besoins de réalisations concrètes pour consentir l'effort d'apprendre intensément quinze heures par semaine ? Ou faudra-t-il également que les enseignants changent de méthode ? M.-D. Pierrelée fait confiance aux enseignants : il s'en trouvera 10 % pour croire assez au projet et le faire réussir. Soit. Mais l'atout de cette organisation, est-ce son efficience structurelle, ou la qualité des enseignants qu'elle est supposée attirer ?

- L'éclatement de l'unité classe n'est pas un mince problème Quel sera le groupe d'ancrage du collégien ? Pour le dire simplement, où se fera-t-il les copains qu'il retrouvera dans la cour de récréation ? Un préado peut-il se passer, dans un lieu donné, d'un groupe d'ancrage fort ? Peut-il en avoir plusieurs sans se sentir écartelé, morcelé ? Il est vrai que la classe actuelle, lorsqu'elle réunit racketteurs et rackettés, leaders négatifs et boucs émissaires, ne constitue pas toujours un groupe d'appartenance satisfaisant, et M.-D. Pierrelée a beau jeu de rappeler que la structure classe par niveau d'âge est d'apparition récente dans l'histoire même de l'école. Il n'empêche Dans l'organisation proposée, aucun groupe n'est constitué en fonction de l'âge des élèves, le choix ici est drastique. Et vraiment novateur.

- L'importance accordée au travail personnel dans le petit groupe de tutorat, la place accordée à l'informatique (aux TICE), et le fait que le groupe d'apprentissage a une faible durée de vie, renvoient nettement l'apprentissage à une dimension individuelle. C'est ici l'individu élève qui apprend, ce n'est pas le groupe en tant que tel. On aurait pu imaginer que les six heures de projet ayant l'avantage de souder le groupe, de lui donner cohésion et solidarité, l'apprentissage au sein du même groupe (hétérogène) aurait tiré profit de cette dynamique. Ce n'est pas le choix de M.-D. Pierrelée, ce n'est d'ailleurs pas le choix actuel de l'école, mais il vaudrait sans doute la peine d'y réfléchir : qui apprend mieux porté par un groupe, qui apprend mieux tout seul ? Apprendre, c'est construire le savoir dans son corps et sa tête, mais c'est aussi entrer dans un groupe d'appartenance, le groupe de ceux qui savent, et se conformer à une norme de groupe.

- Enfin on peut considérer comme paradoxal de partir d'une critique du collège actuel (vos enfants " s'ennuient au collège ", selon le titre de l'éditeur) pour déboucher sur une réforme qui lui donne encore plus d'importance dans la vie de l'enfant, puisqu'il s'agit d'en faire un lieu de vie, un lieu d'apprentissage, et un lieu d'exercice de compétences actuellement laissées en friche. Pourquoi ne pas proposer plutôt l'ouverture d'autres lieux de référence, distincts de l'école, entre lesquels l'adolescent apprendrait à circuler ? Des clubs et des animateurs pour les projets, des éducateurs tuteurs pour le dialogue et l'encadrement, et des enseignants recentrés sur des tâches d'apprentissage ? Pour préserver l'emploi enseignant ? (C'est certainement réaliste !) Pour conserver à l'école son caractère éducatif global, éviter l'éparpillement des lieux de vie ? En tout cas, si, pour M.-D. Pierrelée, la structure classe est au xxie siècle une institution dépassée, le collège semble y avoir encore sa place.

Si un débat est nécessaire, il est à nos yeux tout aussi évident qu'il est urgent de responsabiliser des équipes enseignantes pour expérimenter des structures nouvelles. Les objectifs que M.-D. Pierrelée fixe à ce collège d'un type nouveau méritent d'être rappelés en conclusion, tant ils sont clairs et peu contestables :

1. Que tous les enfants y trouvent leur compte Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

2. Que les compétences développées ne se limitent pas aux compétences linguistiques et logico-mathématiques. Les enfants ont d'autres compétences (techniques, organisationnelles, artistiques, relationnelles) dont la société a par ailleurs le plus grand besoin.

3. Que les objectifs de connaissances et de compétences visés soient réellement atteints.

Ce dernier point mérite une ultime précision. À ceux qui ne manqueront pas de crier à la baisse de niveau, M.-D. Pierrelée répond qu'elle souhaite l'institution d'épreuves standardisées pour comparer le niveau des enfants dans le secteur expérimental et dans le secteur traditionnel. Qu'on cesse d'imposer la conformité des moyens, pour se concentrer sur la conformité des résultats. Actuellement, moyennant de respecter les mêmes programmes et le même horaire partout, on a le droit de laisser partir du collège des élèves illettrés et ignorants. Marie Danielle Pierrelée demande la liberté de la gestion des moyens et propose d'être jugée sur les résultats. Chiche ! 

Cécile Delannoy

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Banlieues : les défis d'un collège citoyen
Jacques Pain, Marie-Pierre Grandin-Degois, Claude Le Goff, ESF éditeur, 1998, 225 pages.

Lorsqu'on pose la question du transfert des connaissances dans le domaine éducatif – comment e"pliquer notamment que les thèses et les rapports de recherche soient peu lus par les enseignants dits de terrain – on conclut en général que les écrits de type universitaires sont désincarnés, ce qui e"plique leur faible pouvoir attractif. Les marques d'énonciation sont absentes : le " nous " d'e"tériorité se substitue au " je ". Les données relatives au conte"te de la recherche (dans quelles circonstances l'idée est-elle venue au chercheur de travailler sur le domaine qu'il a choisi, comment sa problématique s'ancre-t-elle dans sa propre histoire) sont fréquemment absentes ou reléguées à un détour de l'introduction. Les conditions du recueil de données sont rejetées en anne"e. Les difficultés vécues par le chercheur, les arcanes de sa démarche, les chausse-trappes dans lesquelles il est tombé, sont rarement présentes, tant le souci de déconte"tualisation l'emporte.

Faisons l'hypothèse parce qu'il est l'antidote de la description précédente, que les enseignants de collège auront grand plaisir à découvrir l'ouvrage de Jacques Pain, Marie-Pierre Grandin-Degois et Claude Le Goff.

Il y est question d'un collège dans une banlieue des Yvelines qui, il n'y a guère plus de di" ans figurait au " hit-parade " des établissements sensibles. Il y est question d'un chef d'établissement, d'une équipe d'enseignants, qui jour après jour en firent un établissement " ordinaire " au bout de quelques années. Il y est question d'un triptyque autour duquel se mobilisa l'équipe pédagogique : lutter contre la violence, différencier la pédagogie dans l'esprit de la pédagogie institutionnelle, se donner le défi de la citoyenneté. Mais plus encore, il est fait état de tout cela à travers des témoignages, des études de cas, la charte du collège, les contrats passés avec les élèves, des impressions d'ensemble, des poèmes d'enseignants, les récits d'un journal de bord, la présentation du conte"te dans lequel l'établissement est implanté, et quelques moments de théorisation complètement immergés dans l'ensemble.

Un moment de vie dans un collège non ordinaire mais qui le devint, ordinaire, par le désir d'enseignants ordinaires, d'une principale de collège ordinaire, accompagnés dans leur itinéraire par un universitaire ordinaire.

Ordinaire : conforme à l'usage, normal, attendu, banal.

Un enseignant ordinaire : un enseignant conforme dans ses engagements, dans son positionnement vis-à-vis de la chose éducative, dans ses pratiques, au" manières de penser et d'agir de tous ses pairs.

Une principale de collège ordinaire : une femme dont la manière de diriger est somme toute banale, en tous points semblable au" modes d'action de ses collègues.

Un universitaire en sciences de l'éducation ordinaire : un homme ou une femme au comportement analogue dans ses relations et dans son activité avec le terrain, à celui de ses confrères.

Ordinaire. De ordini : qui vise le bon arrangement des choses.

Michel Develay

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http://www.inrp.fr/zep/partheme/biblio/vie.htm

http://www.enseignement-professionnel.gouv.fr/grands-dossiers/violence/dispositif/